Le titulaire d’un marché public de travaux peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à cette opération de construction avec lesquels il n’est lié par aucun contrat, sans devoir se limiter à la violation des règles de l’art ou à la méconnaissance des textes applicables, en invoquant notamment un manquement aux stipulations des contrats qu’ils ont conclus avec le maître d’ouvrage.
Par une décision du 11 octobre 2021, le Conseil d’État a précisé les contours de l’action en responsabilité quasi-délictuelle susceptible d’être exercée par le titulaire d’un marché public à l’encontre des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n’est lié par aucun contrat de droit privé.
Par principe, les participants à l’opération de travaux (constructeurs, sous-traitants) – non liés entre eux par un contrat – ont la possibilité de rechercher leurs responsabilités quasi-délictuelle respectives sur le terrain de la faute simple du fait des dommages qu’ils ont pu se causer dans l’exécution de leurs prestations, soit par la voie d’un appel en garantie, soit directement (CE 24 juillet 1981, Société générale d’entreprise, n°13519).
Dans le cadre d’une telle action, le Conseil d’État a d’ores et déjà considéré que le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants « notamment s’ils ont commis des fautes qui ont contribué à l’inexécution de ses obligations contractuelles à l’égard du maître d’ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l’art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires » (CE 5 juillet 2017, Sociétés Eurovia Champagne Ardennes et Colas Est, n°396430 ; CE 6 novembre 2020, Société IOTA Survey, n°428457).
Par sa décision commentée, le Conseil d’État offre désormais à ce dernier la faculté de rechercher la responsabilité des autres constructeurs « du fait d’un manquement aux stipulations des contrats qu’ils ont conclus avec le maître d’ouvrage ». En d’autres termes, l’effet relatif des contrats ne fait plus obstacle à ce que le titulaire d’un marché puisse se prévaloir des stipulations du contrat conclu entre le maître d’ouvrage et un autre constructeur auquel il entend imputer la responsabilité du préjudice qu’il a subi.
Concrètement, le titulaire d’un marché peut engager la responsabilité quasi-délictuelle d’un autre constructeur en se prévalant d’une faute résultant de la seule inexécution de ses obligations contractuelles à l’égard du maître d’ouvrage, laquelle serait par exemple caractérisée par un simple dépassement du délai contractuel d’exécution des prestations dont il avait la charge.
Le Conseil d’État revient ainsi sur sa jurisprudence antérieure selon laquelle « les tiers à un contrat administratif, hormis les clauses réglementaires, ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations de ce contrat » de sorte que la méconnaissance d’obligations contractuelles ne pouvait être invoquée par un tiers au contrat à l’appui d’une action en responsabilité quasi-délictuelle (CE 11 juillet 2011, Mme Gilles, n°339409 ; CE 7 décembre 2015, Commune de Bihorel, n°380419).
La jurisprudence administrative s’inscrit désormais dans le droit-fil de la position retenue par la Cour de cassation qui juge que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage » (Cass. Plén. 9 octobre 2006, n°05-13.255).
CE, 11 octobre 2021, Société coopérative métropolitaine d’entreprise générale, n°438872