Par un arrêt en date du 6 juillet 2023, la Cour de cassation a rappelé qu’en cas de servitude occulte non déclarée lors d’une vente immobilière, le principe de l’octroi à l’acquéreur lésé d’une indemnisation n’est pas conditionné à la démonstration préalable de la gravité que revêt cette servitude occulte pour ce dernier.
En l’espèce, des particuliers ont découvert – au cours de la réalisation de travaux d’extension d’une maison dont ils ont fait l’acquisition – que le sous-sol de la parcelle sur laquelle est édifiée ladite maison comporte une canalisation enterrée faisant partie du réseau public des eaux usées. Cette canalisation a empêché la réalisation des travaux d’extension tels qu’initialement envisagés par les acquéreurs. Ces derniers ont alors assigné les vendeurs en indemnisation de leur préjudice, en invoquant, d’une part, la garantie stipulée à l’article 1638 du Code civil, lequel dispose que « si l’héritage vendu se trouve grevé, sans qu’il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu’elles soient de telle importance qu’il y ait lieu de présumer que l’acquéreur n’aurait pas acheté s’il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n’aime se contenter d’une indemnité », et, d’autre part, un manquement des vendeurs à leur devoir d’information, la servitude occulte relative à cette canalisation enterrée n’ayant pas été déclarée lors de la vente.
La Cour d’appel saisie de cette affaire a rejeté la demande d’indemnisation des acquéreurs aux motifs que (i) l’acquisition de la parcelle n’avait pas été conditionnée à la possibilité pour les acquéreur de réaliser des travaux d’extension de la maison comprise en son sein et que (ii) la servitude occulte « ne revêtait pas le critère d’importance exigé par l’article 1638 du code civil pour l’obtention de la résiliation du contrat ou d’une indemnité ».
Les acquéreurs se sont alors pourvus en cassation en soutenant que « l’acquéreur d’un immeuble grevé d’une charge occulte a droit à une indemnité équivalente à la diminution de la valeur du terrain qui en résulte, quand bien même il n’établit pas qu’il n’aurait pas acquis s’il en avait eu connaissance ; qu’en déboutant les demandeurs de leur demande d’indemnisation en raison de l’existence d’un réseau public d’eaux usées traversant leur terrain, au motif qu’il était nécessaire que la servitude occulte soit d’une importance telle que le bien n’aurait pas été acquis si l’acheteur en avait eu connaissance et partant que la servitude occulte ne revêt pas le critère d’importance exigé par l’article 1638 du code civil pour l’obtention de la résiliation du contrat ou d’une indemnité, sans établir que cette charge ne diminuait en rien la valeur du bien acquis, la cour d’appel a violé l’article 1638 du code civil ».
La Cour de cassation a accueilli favorablement cet argument et a considéré que la Cour d’appel, en rejetant la demande d’indemnisation des acquéreurs alors qu’elle n’était saisie que d’une demande de dommages-intérêts, a violé les dispositions de l’article 1638 du Code civil. En effet, cet article – qui instaure, au bénéfice de l’acquéreur lésé en présence d’une servitude occulte non déclarée lors de la vente, une alternative entre l’octroi de dommages-intérêts et la résolution de la vente – ne conditionne pas le principe de l’octroi d’une l’indemnisation à l’acquéreur à la gravité de cette servitude.