Par une ordonnance du 3 juin 2022, les juges des référés du tribunal administratif de Pau ont prononcé la suspension de la délibération du conseil communautaire de la communauté d’agglomération Pays Basque approuvant le règlement relatif aux conditions de délivrance des autorisations de changement d’usage de locaux d’habitation pour les locations meublées de courte durée dans 24 communes situées en zone tendue.
En l’espèce, plusieurs sociétés et une association contestaient le règlement adopté sur le fondement de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation le 5 mars 2022, et devant entrer en vigueur le 1er juin de la même année. Ce règlement prévoyait d’instaurer une règle de « compensation » par la transformation en habitation (i) de locaux ayant un autre usage depuis au moins cinq ans, (ii) situés dans le quartier ou la commune concernée, et (iii) proposant une surface de plancher au moins équivalente à celle transformée en location meublée de courte durée. Les locaux commerciaux situés au rez-de-chaussée ne pouvaient cependant pas faire l’objet d’une telle transformation.
Le tribunal a considéré qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité de la délibération.
Il a d’abord estimé que le mécanisme de compensation instauré méconnaît le principe de proportionnalité tel qu’interprété par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans son arrêt du 22 septembre 2020 (Cali Apartments SCI et HX (affaires C-724/18 et C-727/18)). Dans cet arrêt, la CJUE précise que « si la réglementation instaure une obligation de compensation, sous la forme d’une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, celle-ci devra être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, proportionnelle à cet objectif, non discriminatoire, instituée dans des termes clairs, non ambigus et rendus publics à l’avance, et cette obligation devra pouvoir être satisfaite dans des conditions transparentes et accessibles« . En l’espèce, un tel dispositif de compensation ne saurait être mis en œuvre du fait des caractéristiques locales, à savoir la rareté, voire l’inexistence des locaux éligibles à la compensation dans certaines communes.
Les juges ont également considéré que le mécanisme méconnaît le principe de sécurité juridique dans la mesure où l’autorisation de changement d’usage avec compensation devait entrer en vigueur le 1er juin 2022 sans qu’aucune mesure transitoire ne soit édictée.
Enfin, selon eux, le règlement litigieux ne reprend pas la possibilité ouverte par le IV de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme de louer dans certains cas (obligation professionnelle, raisons de santé ou cas de force majeure) sa résidence principale plus de 120 jours par an.
La condition d’urgence étant également remplie pour certains requérants, pour lesquels le règlement était susceptible de créer d’importantes difficultés de remboursement des emprunts contractés en vue d’acquérir les biens concernés par la réglementation en litige, les juges ont suspendu la délibération approuvant le règlement litigieux.