L’avis du Conseil d’Etat du 5 juillet 2023 déclarant le régime TVA français de la location meublée non-conforme à la directive TVA laissait présager une modification des règles françaises et avait ouvert une période d’incertitude pour les acteurs du secteur.
Le Gouvernement semble vouloir fermer cette parenthèse avec un amendement qui, s’il est adopté, devrait conforter les pratiques actuelles.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement vient de déposer un amendement qui fait suite à l’avis du Conseil d’Etat du 5 juillet 2023 ayant jugé les dispositions du b. du 4° de l’article 261 D partiellement incompatibles avec la directive TVA.
L’amendement :
Cet amendement opère une distinction (reflétant la directive TVA) entre deux catégories de locations. Ainsi, seraient soumises à la TVA :
- D’une part, les prestations d’hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire sous réserve de remplir les deux conditions cumulatives suivantes :
- les prestations doivent être offertes au client pour une durée n’excédant pas trente nuitées, sans préjudice des possibilités de reconduction proposées.
- les prestations comprennent au moins trois des quatre services suivants : petit déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison et réception, même non personnalisée, de la clientèle (NB : cette liste est identique à celle du texte actuelle).
- D’autre part, les autres « locations de logements meublés à usage résidentiel», si elles sont assorties de trois des quatre prestations de services susvisées.
Cette distinction peut à première vue dérouter : (i) comment faire la distinction entre secteur hôtelier ou ayant une fonction similaire, et logements meublés à usage résidentiel ? (ii) pourquoi imposer une condition supplémentaire de durée aux premiers ?
Les réponses à ces questions se trouvent à notre avis dans l’origine et les objectifs de cet amendement.
Objectifs de l’amendement :
- La condition de durée semblerait en réalité être le critère de distinction entre les deux catégories de location:
- lorsque la durée minimum proposée aux clients est de moins de 30 jours, la location relèverait du secteur hôtelier ou ayant une fonction similaire,
- si la durée minimum est plus longue, il s’agirait d’une autre location meublée à usage résidentiel.
Si la condition de durée ne sert que de critère de distinction, on peut s’interroger sur la raison d’être de cette distinction puisque l’exigence en termes de service est rédigée dans les mêmes termes.
- Cette nouvelle rédaction a pour objet d’aligner le texte français avec la Directive TVA.
Parenthèse technique :
La directive qui prévoit l’assujettissement des locations de biens immeubles dans deux cas :
– une taxation de plein droit, visant le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire ; et
– une taxation dérogatoire, visant les autres secteurs, pour laquelle les États membres ont toute latitude, sous réserve de respecter le principe de neutralité.
Or, comme le rappelle le Gouvernement, le droit français est actuellement construit différemment et prévoit :
– une taxation de plein droit pour le secteur hôtelier et, sous conditions, de certaines autres formes d’hébergements touristiques ciblées ; et
– une taxation pour l’ensemble des autres secteurs, qu’ils aient ou non une fonction similaire au secteur hôtelier dès lors que sont fournis, en sus de l’hébergement, au moins trois des quatre prestations suivante : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle.
Cette divergence d’approche avait donné lieu à des incertitudes, en raison (i) de l’avis du Conseil d’Etat du 5 juillet 2023 déclarant le régime français non-conforme à la directive TVA et, à la suite, (ii) de décisions récentes de Cour administratives d’appel contestant l’application des principes français.
Portée pratique du texte : tout changer pour que rien ne change ?
En définitive, cet amendement aurait simplement pour effet de conserver les mêmes règles que celles du texte actuel, en le présentant d’une manière le rendant conforme à la directive (NB : le Gouvernement propose également de modifier l’article 279 du CGI afin de sécuriser, en parallèle, l’application du taux de TVA à 10 % à ces deux types de location).
Les règles existantes seraient donc inchangées pour le secteur résidentiel. Cela permettrait notamment de rassurer les opérateurs de co-living ou encore les résidences étudiantes et seniors, inquiets suite à l’avis du Conseil d’Etat, et pour lesquels le régime TVA devrait en pratique rester le même. La principale interrogation restera de savoir si la condition de la fourniture des trois des quatre services est ou non remplie, condition qui fait encore à ce jour l’objet de nombreux contentieux (cf. le récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy).
Attention à la mise à jour des commentaires de l’administration
L’actuel article 261 D du CGI dispose que les prestations doivent être rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle. Or, cette condition n’existerait plus avec le nouveau texte prévu par l’amendement. Une mise à jour du BOFiP semble donc nécessaire.
Par ailleurs, le BOFiP sur la parahôtellerie n’a pas été mis à jour depuis 2012. Il ne prend donc pas en compte des formes de location qui se sont développées récemment (co-living et Airbnb notamment).
Or la mise à jour du BOFiP pourrait modifier les conditions dans lesquelles les services doivent être rendus en prévoyant des exigences plus ou moins strictes que celles prévues dans le BOFiP actuel. Or de telles modifications pourraient avoir des conséquences pratiques importantes (notamment concernant certaines locations jusqu’à présent exonérées (Airbnb notamment) qui pourraient plus difficilement échapper à la TVA, sauf à bénéficier de la franchise en base).