La CJUE vient d’apporter des réponses très attendues aux questions posées par le Conseil d’Etat dans l’affaire Icade Promotion (25 juin 2020, n° 416727, Icade Promotion) concernant le régime de la TVA sur marge.
Si l’arrêt rendu par la CJUE concerne l’ancien régime de TVA sur marge (applicable jusqu’en 2010), les enseignements apportés sont néanmoins transposables au régime actuellement applicable.
La CJUE apporte des précisions, d’une part, sur la nature des opérations relevant du régime de la TVA sur marge (1.) et, d’autre part, sur la nature des biens relevant de la TVA sur marge (2.) :
- Nature des opérations relevant du régime de la TVA sur marge – Selon la CJUE, le régime de la TVA sur marge est limité à seulement deux types d’opération :
a. Aux cessions de terrains à bâtir lorsque leur acquisition a été soumise à la TVA, sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe,
b. Aux cessions de terrains à bâtir lorsque leur acquisition n’a pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens « incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial« . Les situations visées par la Cour dans ce deuxième type d’opérations sont pour le moins floues à ce stade.
En revanche, selon la CJUE, le régime de taxation sur la marge ne s’applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l’acquisition initiale n’a pas été soumise à la TVA, soit qu’elle se trouvait en dehors de son champ d’application, soit qu’elle s’en trouvait exonérée (sauf si le prix de vente « incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial »).
Ainsi, en pratique, la revente d’un terrain à bâtir par un assujetti ne relève pas du régime de la TVA sur la marge lorsque l’assujetti-revendeur avait acquis le terrain auprès d’un non-assujetti (particulier, collectivité locale, assujetti n’agissant pas en tant que tel…) ou lorsque le terrain n’était pas un terrain à bâtir lors de son acquisition initiale (terrain non constructible devenant constructible).
- Nature des biens relevant du régime de la TVA sur marge – La CJUE pose une condition d’identité « juridique » en considérant que le régime de taxation sur la marge ne s’applique pas à des opérations de livraison de terrains lorsque ces terrains acquis non constructibles sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, des terrains à bâtir. Ce régime ne s’applique donc que si l’assujetti-revendeur a acheté et revendu un terrain à bâtir.
En revanche, contrairement à la position retenue par l’avocat général, la CJUE écarte la condition d’identité « physique ». En effet, selon la Cour, le régime de taxation sur la marge s’applique aux opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l’objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu’une division en lots ou la réalisation de travaux d’aménagement permettant l’installation de réseaux desservant lesdits terrains, à l’instar, notamment, des réseaux de gaz ou d’électricité. En effet, la Cour estime que ces opérations d’aménagement ne sauraient avoir pour conséquence le changement de leur qualification juridique en « bâtiment », de telle sorte que le terrain reste un terrain à bâtir lors de sa revente.
Les conséquences de cet arrêt restent à ce jour incertaines mais les modalités de mise en œuvre du régime de la TVA sur marge tel qu’interprété par l’administration fiscale devraient donc être amenées à évoluer rapidement (le BOFIP actuellement publié reste toutefois opposable). Les futurs commentaires de l’administration fiscale et la jurisprudence à venir du Conseil d’Etat devront être analysés attentivement.